Démanteler la hiérarchie peut être périlleux !

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Démanteler la hiérarchie

Oui ou non, faut-il suivre le mouvement des organisations libérées et abolir la hiérarchie et le management au nom du « bonheur au travail » ou pour libérer l’énergie créative et l’innovation ?

OUI 

L’éminent professeur Gary Hamel soutient que le management, dans son état actuel, est la moins productive de toutes les activités d’une organisation. On y engloutit un nombre incalculable d’heures dans la supervision du travail des autres. Et cela coûte cher : jusqu’à 33% de la masse salariale ! Hamel observe que la hiérarchie expose en outre l’organisation à des risques décisionnels importants : plus on s’élève dans la pyramide du pouvoir, plus nos décisions deviennent lourdes de conséquence, mais plus le nombre de ceux qui peuvent les remettre en question diminue. Il dénonce finalement le « coût de la tyrannie », évoquant le gaspillage du talent humain et les coûts d’opportunité liés au fait de se priver de la créativité et de la pleine contribution des individus.

Frédéric Laloux, au terme d’une longue recherche, soutient que les modèles organisationnels évoluent de façon accélérée depuis quelques décennies déjà. Cette évolution correspond à celle des niveaux de conscience de l’humanité elle-même. Selon lui, on assiste à l’émergence « naturelle » d’un modèle d’organisation (teal ou bleu-vert[1]) non hiérarchique ici et là, dans tout le monde occidental (à tout le moins). Pour Laloux, l’organisation teal proposerait un environnement idéal où l’humain peut s’épanouir pleinement.

NON 

Beaucoup d’organisations, Google en tête, ont tenté d’abolir le management, pour finalement le réhabiliter. La hiérarchie demeure une façon efficace de mettre de l’ordre dans l’organisation. Il est possible de se défaire du joug de la mentalité hiérarchique et bureaucratique sans toutefois jeter le bébé avec l’eau du bain. La démonstration en est faite par la grande firme de logiciel Red Hat, qui décrit son fonctionnement « open » dans un livre écrit par son président, Jim Whitehurst. Red Hat se définit comme une méritocratie : les bonnes idées peuvent provenir de partout dans l’organisation, il faut créer le contexte pour les encourager et les reconnaître. C’est précisément le mandat du management chez Red Hat d’entretenir cette richesse de pensée.

Quand on l’appréhende avec la lunette de l’intelligence collective, la hiérarchie traditionnelle nous apparaît une forme d’intelligence assez rudimentaire, basée sur le Command and Control — les patrons ont le pouvoir de penser, les employés le devoir d’exécuter. Dans l’économie industrielle, la hiérarchie pouvait fournir à une organisation toute l’intelligence dont elle avait besoin pour réussir.  Aujourd’hui, la complexité grandissante des organisations et des environnements appelle une forme d’intelligence beaucoup plus organique et plus distribuée : c’est ce que Thomas Malone, au MIT, appelle l’intelligence collective.

L’intelligence collective explique le succès d’une organisation

Pour Malone, l’intelligence collective explique le succès d’une organisation comme Apple, qui est parvenue à s’imposer sur des marchés qui lui étaient inconnus, comme le téléphone, la musique et le cinéma. Cette capacité à décoder un environnement et à agir de façon réfléchie est l’essence même du processus de l’intelligence. C’est vrai des individus comme des organisations. Il ne faut cependant pas croire que l’intelligence collective soit la somme des intelligences individuelles : elle est plutôt le produit de la communication ou des interactions entre les membres de l’organisation. Elle dépend donc de la vivacité des trois courants de communication qui traversent une organisation : descendant, ascendant et horizontal.

La communication horizontale (entre pairs) est ici névralgique : c’est elle qui permet la coordination qui manque si cruellement aux organisations morcelées par les silos — et aux équipes compromises par les solos ! Quand toutes les activités d’une organisation procèdent d’une même logique, on le sait, la synergie devient une force irrésistible : voilà ce que permet l’intelligence collective.

Il faut savoir que l’intelligence collective se forme d’abord au sein des équipes naturelles. Ce n’est qu’avec le temps qu’elle devient un attribut de l’organisation dans son ensemble. Une recherche effectuée chez Google est révélatrice à ce propos. Cherchant à comprendre ce qui fait qu’une équipe soit plus performante que d’autres, Google en est arrivée à une conclusion étonnante. La performance est corrélée avec le climat de gentillesse qui règne dans l’équipe. Cette corrélation ne peut expliquer sans recourir à la notion d’intelligence collective. La gentillesse signifie que les équipiers peuvent exprimer leurs idées sans crainte de représailles ou de moquerie : ils peuvent s’impliquer.  Ce sentiment de sécurité psychologique est à la base des interactions indispensables à la formation de l’intelligence d’une équipe. Or, c’est le manager qui peut le mieux, par des pratiques de communication appropriées, créer cette « chimie » positive au sein de l’équipe en gérant l’espace de réflexion et de parole de son équipe — ce que nous appelons le teamworking chez Coefficience.

BREF 

L’organisation libérée est le chemin le plus périlleux vers l’intelligence collective. Elle passe par une période de déstabilisation qui représente un risque majeur que peu d’entreprises peuvent assumer. La voie du management d’intelligence offre la garantie d’un passage plus harmonieux de l’intelligence hiérarchique à l’intelligence collective.

La hiérarchie comme système de distribution de l’autorité est out. Mais la hiérarchie comme système de distribution de l’intelligence, est in. C’est un rôle plus subtil — ce qui explique que certains experts disent que les meilleures hiérarchies sont la plupart du temps invisibles— mais un apport combien plus signifiant à la réussite d’une organisation.

YC

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[1] Laloux utilise les couleurs pour nommer les différents types d’organisation afin d’éviter les catégorisations traditionnelles